Tendances de fond et crise économique actuelle du secteur : le regard de Laurent Queige (2/2)

Chaque année, une trentaine de startups innovantes sont sélectionnées pour y intégrer le programme d’accélération : le Welcome City Lab propose un regard de tout premier plan sur les innovations touristiques de demain.

Entretien avec Laurent Queige Directeur du Welcome City Lab, premier incubateur touristique au monde, dont l’objectif est de positionner Paris comme une destination leader en matière d’innovation touristique.

Agence d’Innovation Touristique du Nord (AITN) : Vous avez identifié dans votre dernier rapport sur les tendances dans le tourisme la gamification et la réalité virtuelle. Pensez-vous qu’à l’avenir, les touristes se déplaceront moins et passeront plus de temps sur des services digitaux ?

Laurent Queige (LQ) : Je vois aujourd’hui deux phénomènes qui répondent à votre question :
Le premier, c’est le développement croissant d’un tourisme de plus en plus local, national ou intra-continental, pour des raisons de crises sanitaires et sécuritaires. Cette tendance va peut-être amener les gens à se déplacer moins loin - je doute en tout cas qu’on aille vers une explosion du tourisme inter-continental.
Le second, c’est l’efficacité de plus en plus forte des technologies, qui vont permettre de découvrir une destination à travers par exemple le eSport, le jeu vidéo… où sont mises en scène des destinations. La technologie est à mon sens bien plus à voir comme complémentaire d’un tourisme et d’un voyage réel, plutôt qu’une concurrence. 

Cependant, je trouve intéressant de noter qu’aujourd’hui, les plus jeunes générations débutent une grande partie de leur découverte de la culture, voire même de la vie, à travers le virtuel ! Les jeunes de 10 à 20 ans ont une appréhension de la réalité par le virtuel, par l’écran. Le tourisme a donc tout intérêt à se positionner sur les nouvelles plateformes sociales et immersives pour ces expériences de découverte.
En revanche, lorsque je vois certains médias s’alarmer du “monde d’après”, je trouve cela un peu gros. J’ai plutôt tendance à penser que nous allons graduellement revenir à des formes de convivialité, avec bien sûr certaines tendances qui vont s’ancrer dans nos pratiques, comme le voyage local, la notion de développement durable, l’immersion virtuelle...

AITN : La crise actuelle bouleverse les plans stratégiques à long terme et force les startups, comme tous les acteurs du secteur du tourisme, à se réinventer. Quelle stratégie adopter aujourd’hui pour s’adapter au monde de demain ?

LQ : Le plus important aujourd’hui, c’est de savoir s’adapter aux nouvelles demandes, d’écouter son marché. Et en ce moment, ce que demandent les gens, c’est principalement deux choses : 

  • Être rassuré sur le respect des gestes barrière et de la sécurité sanitaire. Ce qui implique une bonne gestion des flux, des services tactiles... ;
  • Se sentir bien durant leur voyage. La notion de bien être est une composante de plus en plus fortement demandée dans le domaine touristique, qui remet en cause de nombreuses choses notamment le tourisme de masse et le sur-tourisme.

Je vois cette situation comme un nouveau champ d’opportunités. C’est par exemple l’opportunité pour les acteurs traditionnels du secteur d’explorer les technologies immersives, d’ajouter des services digitaux supplémentaires à des sites comme des musées, des destinations touristiques… 

Plus que jamais, le digital peut enrichir un séjour ou un déplacement professionnel, sans se substituer à l’expérience en elle-même. Les consommateurs recherchent aujourd’hui de l’intensité dans leurs expériences, et le digital peut l’offrir. Les 5 sens sont des piliers à exploiter pour rendre l’expérience plus forte !

Par ailleurs, en ce qui concerne le modèle économique des acteurs du secteur, je dis toujours aux startups que nous accompagnons qu’il faut éviter en période de crise d’avoir un modèle de rémunération à la commission sur un client apporté. À ce modèle, il faut plutôt préférer des abonnements à l’année par exemple, qui amènent plus de visibilité et de rendement !

AITN : Comment reconquérir la confiance des touristes et les encourager à reprendre leurs voyages, malgré la situation ?

LQ : Il faut avant tout les rassurer sur la dimension sanitaire, leur montrer que nous sommes bienveillants et qu’ils sont attendus avec toute une série d’attentions ! Aujourd’hui, il est essentiel pour les acteurs du secteur de prendre en compte tous les types de clientèle, de travailler un discours personnalisé plutôt que générique. 
Je suis convaincu que la personnalisation sera au cœur du tourisme demain - un niveau de personnalisation fort, associé à beaucoup d’éléments de réassurance vis-à-vis de la sécurité et des aspects sanitaires. Les entreprises qui commencent aujourd’hui à s’atteler à ces sujets sont en passe de développer un avantage notoire sur leurs concurrents !