Le vélo électrique s'apprête à bouleverser la mobilité et le tourisme de proximité (1/2)

Stéphane Schultz est le fondateur de l’agence de conseil en innovation 15marches. Chaque semaine, l’agence édite une newsletter sur l’innovation et décrypte les nouvelles tendances. Dans un billet récent, Stéphane s’est intéressé aux tendances du vélo, qui est en passe de devenir un objet connecté à part entière. On revient sur la transformation du secteur et son impact sur le tourisme dans cet entretien exclusif !

La Tangente : Pouvez-vous nous parler de 15marches et de votre approche ? 

Stéphane Schultz : 15marches est une agence de conseil en innovation. Nous travaillons pour des clients qui cherchent à comprendre et à tirer parti du numérique. Pour beaucoup d’entre eux, le numérique est encore une notion très vague, que nous essayons de rendre concrète en les aidant à développer de nouveaux produits ou offres, et à identifier des opportunités. 

Cela implique beaucoup de veille de notre côté, mais aussi de rester au plus proche de l’innovation, en travaillant avec des startups. J’aime penser que nos activités consistent en : 

  • Une partie “assise”, qui consiste à produire des rapports, mener des études…
  • Une partie “debout” qui consiste à animer des ateliers, faciliter des moments de réflexion et de créativité avec nos clients.

La Tangente : vous avez récemment produit un billet passionnant sur le futur du vélo à assistance électrique (VAE) - pouvez-vous nous en dire plus sur les évolutions que vous observez sur ce produit ?

Stéphane Schultz : absolument ! Ce qui est intéressant, c’est de faire des parallèles avec d’autres industries. Les évolutions récentes du vélo me rappellent ce qui s’est passé dans l’informatique, au moment de l’arrivée de l’ordinateur portable. À l’époque, les ordinateurs étaient utilisés essentiellement par des professionnels, ils étaient connectés en réseau… Un jour, on a vu arriver ces appareils nomades, qui étaient vus par les professionnels comme des équipements de mauvaise qualité. Les professionnels ne comprenaient pas l’utilité de ce nouvel objet, mais in fine il a permis d’élargir les usages et la base des utilisateurs d’internet. Ce qui a, en conséquence, déclenché le développement d’une flopée de services et de produits pour les internautes.

Ce nouvel objet a complètement bouleversé les usages, et le VAE s’apprête à faire la même chose ! D’une part, les utilisateurs se diversifient : on observe une nouvelle typologie de clientèle qui achète des vélos électriques, des urbains qui auparavant ne faisaient pas de vélo du tout. 

D’autre part, le VAE a le potentiel de faire évoluer les services autour de la mobilité. Comme le vélo est assisté électriquement, cela permet le développement d’autres services, avec ou sans smartphone : de l’assistance directionnelle, des informations en temps réel, de l'antivol... Nous allons très rapidement arriver dans le domaine des objets connectés, et produire des vélos ultra-connectés !

La Tangente : comment accompagner cette transition, que manque-t-il aujourd’hui au VAE pour qu’il s’ancre dans les usages ?

Stéphane Schultz : au final, on pourrait s’aventurer à dire que tout ce que l’on a pas réussi à faire avec la voiture, on le fait avec le vélo... D’ailleurs, quand on regarde l’usage des trottinettes ou des vélos en libre service dans le monde, il est bien plus plus important que celui des voitures en libre service.

C’est un cercle vertueux qui promet de se mettre en place : dans les mentalités, les particuliers ont commencé à associer le VAE à la voiture ! J’ai passé des heures à interviewer des usagers de vélos électriques, pour découvrir qu’ils avaient le même rapport avec leur VAE qu’avec une voiture, tout en lui associant tous les avantages du vélo (un mode de déplacement sain, propre, qui n’a pas une mauvaise image comme la moto !)

Il faut être honnête : c’est presque une petite révolution, car une innovation qui se fait sur le plan technologique et comportemental à la fois, ça n’arrive pas souvent ! Aujourd’hui, donc, nous avons la technologie et les usages. Tout ce qu’il manque pour véritablement ancrer cette nouvelle tendance, c’est l’infrastructure : 

  • Réguler ce qui se passe réellement sur la route, car les régulations ne sont pas encore adaptées
  • Accompagner la culture (l’équipement des cerveaux, le respect de la réglementation et des outils par les utilisateurs)

Le décalage entre le développement de nouveaux usages et la mise en place d’une infrastructure et d’une culture adéquates est fréquent lorsque de nouvelles innovations pointent le bout de leur nez. On a par exemple observé la même chose à l’arrivée de la voiture : il n’y avait pas de code de la route, les gens conduisaient en état d’ébriété et ne mettaient pas de ceinture… Il faut du temps pour instaurer un équilibre.

Cependant, ce qui est intéressant, c’est de réfléchir en termes de filière, et le VAE re-solvabilise toute la filière du vélo ! En effet, il contribue à faire changer de niveau de gamme le vélo dans les mentalités. C’est un objet qui reste plus onéreux qu’un vélo traditionnel, que l’on achète pour l’utiliser fréquemment. 

On commence aussi à voir des VAE pour enfants qui se commercialisent… Je suis convaincu que nous approchons d’un ‘shift’, d’un changement de paradigme ! J’imagine bien qu’en 2025 nous passions de l’autre côté de la barrière - nous aurons le choix entre des vélos mécaniques très bas de gamme ou très haut de gamme, et tout le reste entrera dans le domaine des vélos électriques. Un peu comme les smartphones, qui sont aujourd’hui le mode dominant.