Dérive, l’application qui remet du rêve et de la découverte dans la ville avec Antoine Mestrallet, instigateur d'Hérétique (2/2)

Le projet Dérive est né d’une volonté d’affirmation culturelle. “Kevin, l’un des instigateurs d’Hérétique, a vécu aux États-Unis et y a découvert des villes au schéma urbain simpliste, quadrillé et fait pour les voitures. Des villes où la marche est utilitaire, dans lesquelles les habitants souhaitent simplement aller d’un point A à un point B le plus efficacement possible. En Europe, les villes sont bien plus complexes et pleines de surprises ! Par exemple à Paris, c’est dommage, on répète le même chemin mille fois, les applications comme Google Maps nous incitent à tout optimiser, les trajets alternatifs étant indiqués uniquement comme « plus lents ». Cet usage n’incite pas à la balade, à la flânerie”, regrette Antoine. Pour lui, avec une application comme Google Maps, “on se déplace comme un petit robot."

Dérive a été créée comme le contrepied de cette approche : l’application se présente sous la forme d’une boussole, qui ne dévoile ni le trajet, ni la destination, mais s’assure que l’utilisateur arrive à bon port, tout en découvrant de nouvelles rues et lieux dans sa ville. La volonté derrière cet usage : profiter du chemin, et pas uniquement de la destination. 

La seconde fonctionnalité de l’application joue quant à elle sur le lien social et la surprise : elle permet d’envoyer à ses amis une destination secrète, qu’ils ne découvriront qu’à l’arrivée.

“Si tu choisis un restaurant pour un ami, tu sais mieux qu’un algorithme ce qui va lui plaire ! Avec cette fonctionnalité, on voulait extrapoler le facteur confiance. Le trajet est parsemé de découvertes, et à 50 mètres de l’arrivée, un petit message s’affiche pour permettre à l’utilisateur de retrouver le lieu exact du rendez-vous”, s’amuse Antoine.

Visuel sur le site de Dérive

L’application marche aussi bien pour les particuliers qu’en entreprise, et permet à certains de créer des événements uniques et surprenants pour leurs collaborateurs. Dérive peut être utilisé comme une API pour d'autres curateurs, comme avec le projet 99 cantines, qui référence des bons petits restos à Paris, et qui propose à ses utilisateurs de se laisser surprendre dans le choix de leur déjeuner. Un petit grain de folie qui fait du bien, dans un contexte où les menaces et les limitations du numérique se font toujours plus nombreuses.

Mais au-delà de la preuve artistique, Dérive démontre aussi que des modèles économiques alternatifs sont possibles. “Nous voulions aussi prouver qu’on peut monétiser une application sans vendre les données de nos utilisateurs, en créant par exemple des partenariats.”

Dérive a aussi été conçue comme ce qu’Antoine appelle un “dispositif de transition”.

“Nous créons des produits pour les gens qui ont grandi avec les applications comme Google Maps et qui ont besoin de cette béquille numérique. Le problème avec un Google Maps, c’est que plus je l’utilise, moins je sais m’orienter. Dérive, au contraire, c’est un outil d’autonomisation. L’idée est de moins en moins utiliser son cap. Nous souhaitons que Dérive devienne presque un mode de vie - entrer en résonance avec le monde autour de soi, lever les yeux, se laisser flâner un peu...” 

Des convictions qui rejoignent l’ambition d’Hérétique : construire des outils numériques et locaux, sobres, qui ne consomment pas plus de données que nécessaire. Mais surtout, dire non à ce numérique monolithique ppour prmouviur un numérique qui nous ressemble.