Le tourisme insolite existe-t-il toujours aujourd’hui ?

Le tourisme insolite existe-t-il toujours aujourd’hui ?

Le tourisme insolite est-il toujours d'actualité, à l'ère des expériences atypiques proposées par de nombreux professionnels?

C’est souvent dans les périodes les plus difficiles que les opportunités de se réinventer émergent. Et en ce qui concerne le tourisme, malgré les conséquences de la pandémie sur le secteur, ce dernier est loin d’avoir dit son dernier mot. Même si une partie des voyageurs réduit la distance qui les sépare de leur future destination, ils n’en cherchent pas moins le dépaysement, ce qui encourage les professionnels à explorer la piste du tourisme insolite.

La création d’expériences uniques s’avère en effet redoutablement efficace pour se démarquer de leurs concurrents... Mais où se cache l’insolite ? Dans un territoire, une histoire, ou plutôt dans l’offre d’hébergement et les aventures proposées aux visiteurs ? Car lorsque tout le monde veut faire dans l’originalité, n’y a-t-il pas un risque de voir le tourisme insolite perdre de sa substance ? Comment faire de l’insolite différentiel, loin des clichés proposés par les destinations au gré des modes ?

La redéfinition du tourisme via le marketing expérientiel et l’insolite

L’insolite, tout comme la beauté, se trouve dans le regard du voyageur. Le tourisme insolite n’a ainsi pas la même définition pour tout le monde. Étant très varié, et pouvant définir un lieu, un univers, un hébergement ou même des services qui sortent de l’ordinaire, le concept prend même parfois des airs de fourre-tout.

Le Jail Hostel d’Ottawa, une auberge de jeunesse dans une ancienne prison (© HI Canada)

Dans le monde de l’insolite, les touristes peuvent ainsi s’attendre à passer la nuit dans un lieu détourné, comme un couvent, ou une ancienne prison. Les guides insolites ont fait leur apparition dès la fin des années 1990 et le début des années 2000. Misant sur des propositions alternatives à la représentation que l’on se fait du tourisme “traditionnel”, ou de masse, leur version papier ou digitale a pour principale mission d’entraîner les voyageurs hors des sentiers battus.

Les propositions insolites pour Lille du site Atlas Obscura

L’un des leaders du secteur, Atlas Obscura, répertorie des destinations de voyage inhabituelles voire étranges : preuve de sa vitalité, il a reçu, en pleine pandémie, une dotation de 20 millions de dollars d’un fond d’investissement dirigé par Airbnb.

Dans des villes prises d’assaut par les touristes, comme New-York, le voyageur est encouragé à entraîner son regard et à contribuer à se créer une expérience décalée et sur mesure. Plutôt que de choisir la facilité des grandes avenues et monuments les plus visités, les offres de tourisme insolite l’invitent à saisir le discret, l’incongru. De la visite d’une ferme hydroponique, à un minuscule musée lové dans un monte-charge industriel, les voyageurs insolites découvrent la ville autrement, dans une certaine forme d’intimité.

Le Mmuseumm à New-York

Le tourisme insolite va-t-il trop loin ? Le cas du dark tourism

Si les offres touristiques deviennent parfois clichées ou mièvres, il leur arrive aussi de pencher vers un côté plus sombre. Difficile ainsi de ne pas évoquer le dark tourism, qui pousse le concept d’insolite dans ses retranchements.

D’une découverte du Japon en passant par Fukushima, à un road-trip à travers la Nouvelle-Orléans sur les traces de l’ouragan Katrina, certains voyageurs proposent des voyages inédits, sur fond de catastrophes naturelles et de souffrances historiques. D’où l’appellation française du dark tourism, qualifié de Thanatourisme.

Le tourisme insolite : un tourisme sans destination ?

Reste à savoir, pour les professionnels, comment tirer son épingle du jeu. Est-il d’ailleurs possible pour tous de miser sur le tourisme insolite ? Il semblerait que oui. Car en matière de dépaysement, ce n’est pas toujours la destination qui compte.

Le voyage expérimental, tel qu’il est conceptualisé par des professionnels du tourisme, est ainsi un voyage sans destination. Tous les lieux, qu’ils soient urbains ou tropicaux, à 10 km de son domicile ou à l’autre bout du monde, ont un potentiel insolite.

Le Guide Lonely Planet du voyage expérimental invite par exemple à voyager sans que le lieu n’influe sur sa pratique touristique. C’est d'ailleurs ce qui permettrait de trouver, et même de créer de l’insolite. Ce n’est donc pas l’endroit où l’on se trouve qui importe, mais la méthodologie de voyage appliquée. De fait, on y retrouve une expérience intitulée “Baroudage à domicile'', qui consiste à revivre les joies d’un road trip sans quitter sa propre ville. Une idée que l’on retrouve dans le concept de micro-aventures, mise en avant par des tours opérateurs nouvelle génération comme Chilowé.

Mais au-delà de l’aspect “chasse au trésor” grandeur nature, cette nouvelle façon de voyager pose des questions fondamentales sur le tourisme insolite. S’il n’est pas ancré dans l’altérité, alors à la rencontre de qui ou de quoi part-on vraiment ?

Retravailler son offre d’hébergement pour y dénicher de l’insolite

Ces expériences et interprétations de l’insolite montrent qu’il reste un outil à la disposition de tous les hébergeurs. Pour continuer d’attirer les voyageurs, les stratégies payantes seront celles qui ne se contenteront pas de mettre en avant le caractère insolite de sa destination (pratique donnant parfois des tentatives quelque peu “artificielles”), mais qui, au contraire, accentueront l’authenticité de leur hébergement et services. Cette authenticité suppose un ancrage territorial fort avec une connaissance des acteurs locaux pour une bonne synergie.

Des opérateurs comme TUI ou Continents Insolite ont ainsi retravaillé leur palette d’hébergements, en se concentrant sur une proposition d’expériences exclusives. En Norvège, les visiteurs peuvent ainsi passer une nuit dans un phare, ou dormir dans une maison flottante au Portugal. Les micro-aventures sont au diapason, avec une dégustation de whisky en Ecosse, ou une chasse à la truffe en Italie.

La mise en communication de l’insolite sera elle aussi essentielle. Le storytelling, les supports visuels, les témoignages des précédents voyageurs… Tous ces éléments sont autant de preuves de l’expérience unique à venir. Et des arguments puissants pour encourager la réservation !

La comm timbrée d’Amélie Deloffre

Amélie Deloffre, créatrice du projet 2 Jours Pour Vivre qui réhabilite la micro aventure sans chichi, propose une “no newsletter” pour garder le contact avec son public. Et d’expliquer l’originalité de sa démarche : “En 2020, on explore d'autres voies que celle toute tracée du digital : la voie postale. Il s'agirait d'être en cohérence parfaite avec nos messages : la déconnexion & l'authenticité en tête de liste. Timbrées c'est une relation épistolaire. Elle dure 1 an, comporte 6 lettres d'aventure qui viendront tenir compagnie aux factures et prospectus.” On adore !

Le mot de la fin

Les touristes sont-ils friands d’insolite ? ou déjà un peu blasés par des promesses d’expériences atypiques ? L’insolite doit-il se résumer à une course après les tendances qui périment aussi vite qu’elles apparaissent? L’insolite sans authenticité servira t-elle votre offre? Comment apprendre à innover et faire le tri sans tomber dans l’ornière des effets de mode?

En aiguisant son flair, en restant à l’affut des tendances sociétales fortes et en adoptant une démarche perpétuelle de développement de nouvelles idées, vous pouvez vous démarquer de façon pérenne et authentique. La Tangente peut vous accompagner dans votre originalisation, parlons-en !

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