Et si demain, les musées s’exposaient au supermarché, nous proposaient des goodies numériques à accrocher dans nos salons, ou se visitaient comme au MacDo : en drive-in ?
Et si demain, les musées s’exposaient au supermarché, nous proposaient des goodies numériques à accrocher dans nos salons, ou se visitaient comme au MacDo : en drive-in ?
Les musées sont aujourd'hui confrontés à des défis à la fois manifestes, et à d’autres plus subtils. Ils doivent ainsi tenir compte du réalignement des financements et de la part croissante des nouvelles technologies dans l’expérience culturelle. Leur mission même a évolué, tenant compte des changements démographiques et des attentes des visiteurs. Le futur du musée promet de faire émerger de nouveaux types d’expériences - plus riches, mais aussi plus mémorables. Mais ce futur est conditionné à l’évolution des visiteurs vers un rôle d’ambassadeurs des musées, voire même de mécènes.
Face à cette myriade de défis, les musées imaginent désormais différentes réponses. Les institutions repensent ainsi leurs espaces (physiques et virtuels) afin de favoriser une meilleure compréhension de leurs collections. Ils tendent aussi à faire évoluer le cœur même de leurs offres, en privilégiant une plus grande interactivité, une gamme complète d’activités et une stabilité accrue de leurs revenus.
Le futur du musée est peut-être incertain, mais il n’en est pas moins excitant ! Nous vous proposons dans cet article des pistes de réflexion et des tendances qui le font aujourd’hui sortir de ses carcans traditionnels.
“ Les secteurs culturels et créatifs figurent parmi les plus touchés par la crise du COVID-19 et les musées ne font pas exception.“
C’est ainsi que débute le dernier rapport de l’International Council of Museum, dédié à la résilience des communautés culturelles face à la pandémie. Après avoir été forcés de fermer leurs portes brutalement, les musées réfléchissent aujourd’hui au meilleur moyen de rebondir.
Et pour beaucoup, assurer le futur du musée en tant que vecteur culturel, passe par le maintien d’une solide présence en ligne. Le grand public est ainsi invité à découvrir une myriade de galeries dans le monde grâce à Google Arts et Culture.
Mais les visites virtuelles peinent à remplacer l’expérience viscérale ressentie face à une œuvre d’art originale, dans la réalité. Ou l’expérience collective vécue par les visiteurs, si propre aux musées.
Nombre d’entre eux ont donc appris à composer avec les restrictions sanitaires et les limitations de l’expérience virtuelle dite “classique”. D’abord, en imaginant de nouvelles expériences immersives et originales dédiées à leurs visiteurs pour créer des musées virtuels et originaux. Ensuite, en s’appliquant à faire vivre la culture dans de nouveaux lieux, le temps que la situation s’apaise.
C’est dans cet esprit que la galerie satellite «Lokal-int» de Bienne a décidé d’exposer l’œuvre du photographe Enrique Muñoz García d’une manière inédite. Conçu pour faire « réfléchir à la situation de la scène artistique à l’époque du Covid », son travail recouvre les vitrines de la galerie de journaux de la presse suisse. Sur chaque page, figure une photo capturée par l’artiste.
Toujours en Suisse, l'œuvre du plasticien Ugo Rondinone est exposée dans des capsules de 45 cm de large sur 75 cm de haut. Accessible 24 heures sur 24 et en plein air, elle représente un format original et adapté au contexte sanitaire.
Enfin, le Musée de Flandre a su réunir son public autour d’une jeu interactif et amusant, qui met en valeur ses collections : Nathalie Grave proposait un conte en quatre épisodes autour du personnage de Niels-le-fou. S’appuyant à chaque fois sur une nouvelle œuvre du musée, la conteuse narrait un “conte dont vous êtes le héros”, et les abonnés sur Facebook étaient invités à voter pour la suite des aventures.
Le futur du musée s’annonce également plus interactif et autonome. L'accent mis aujourd'hui sur des expériences personnalisées s’adapte non seulement à l’engagement numérique, mais aussi aux visites hors site. La réception des visiteurs sur site étant de plus en plus complexe, les musées en profitent en effet pour s’inviter dans des lieux inattendus et élargir leur portée. En ligne de mire de leurs efforts : les plus jeunes générations.
La mission partagée par les nouveaux espaces culturels est à la fois communautaire et éducative. Dans les deux cas, l’objectif reste d’attirer un segment plus large d’audience, mais aussi d'augmenter l'engagement de leurs visiteurs. Les musées sont d’ailleurs particulièrement bien placés pour allier éducation et loisirs. À condition de prendre des risques, et d’être aussi inclusifs et ouverts que possible aux attentes de leurs nouveaux publics.
Ce tournant hors les murs est certes pris sous la contrainte, mais il reste tout de même une belle opportunité de rencontrer le public là où il se trouve. L’exemple est d’ailleurs donné par les arts vivants : dans le Nord, le théâtre de Valenciennes a ainsi entrepris de faire vivre ses spectacles vivants dans les lycées. Un projet également adopté par le Laténium en Suisse, qui a décidé de partir à la rencontre des élèves en proposant des ateliers créatifs en classe.
Pour les musées, il est aussi crucial de réfléchir à l’image renvoyée à un public dont ils se veulent toujours plus proches, mais aussi à de nouvelles manières de faire découvrir leur contenu. Le Cleveland Museum of Art a ainsi décidé d’engager un spécialiste de l’engagement des publics de proximité. Le rôle de ce dernier : accompagner les équipes de médiation pour impliquer ces nouveaux “consommateurs” d’art.
Pour tous les professionnels de la valorisation du patrimoine, c’est un nouvel exercice qu’il convient d’explorer : listez les commerces essentiels, puis imaginez comment travailler en bonne intelligence avec eux, afin de susciter des confrontations originales et impertinentes, qui sauront trouver leur public !
Depuis plusieurs décennies déjà, les musées ont graduellement œuvré à transformer l’image parfois poussiéreuse dont ils étaient tributaires. Et la création de contenus adaptés numériques ou physiques à leurs communautés et au contexte sanitaire actuel a contribué à accélérer cette évolution des mentalités. Et conséquence vertueuse de cette image moderne : les visiteurs sont parfois plus au rendez-vous qu’auparavant ! D’après les chiffres, ce sont d’ailleurs les petites structures dotées d’un fort ancrage local qui résistent le mieux.
Certains exploitent leurs archives, proposent des cocktails virtuels et des conversations avec des conservateurs. D’autres commandent de nouvelles œuvres numériques. Mais cette hybridation culturelle va encore plus loin que les visites en ligne de studios d’artistes, d’installations virtuelles, ou des diffusions de programmes en direct.
La situation incertaine, voire précaire, de nombreux artistes et professionnels de la culture a en effet renforcé les synergies solidaires. Ces nouveaux liens d’entraide viennent brouiller les lignes qui avaient été arbitrairement tracées. Au Queens Museum, les écrivains, designers, poètes et architectes, mais aussi les éducateurs sont ainsi sollicités pour imaginer ensemble le futur du musée.
Le Louvre Lens a de son côté créé des ateliers à emporter autour de son exposition Soleils Noirs. Ces activités créatives, inspirées de l’art plastique, peuvent être retirées gratuitement au musée.
Les musées renaissent aussi sous de nouvelles formes, entre autres celle de résidence d’artiste à Neufchâtel. Avant la pandémie, le MUCEM avait déjà innové en se transformant lui aussi en lieu de vie, et en organisant une nuit au musée. Un moment singulier permettant de nouvelles expériences artistiques, et un réveil insolite entouré d'œuvres d’art. Le musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam va quant à lui plus loin en laissant les visiteurs pénétrer ses murs en voiture pour une exposition Drive-In.
Pas besoin d’une boule de cristal pour prédire le futur du musée : puisque celui-ci est déjà en train de s’écrire. Mois après mois, des lieux hybrides voient le jour, sous des formats toujours plus surprenants et novateurs. La leçon à tirer de ces signaux (pas si) faibles ? L’enjeu des musées, pour se réinventer dans les années à venir, est de ne pas imaginer leur offre uniquement par le prisme du digital. L’expérience physique de la culture restera toujours une nécessité, qu’elle s’exprime dans ou hors les murs. Elle permet aux musées de se rapprocher de ceux à qui elle est réellement destinée - mais aussi d’innover, et de muter au contact de nouvelles idées. Une manière infaillible pour rester un médium pertinent dans la durée !